-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

dimanche 4 septembre 2005

Philippe Presti, Luna Rossa Challenge


Malmö - 04.09.2005
Philippe Presti, Luna Rossa Challenge
Au printemps dernier, Philippe Presti est entré dans l’équipe italienne de Luna Rossa Challenge. Barreur à l’entraînement, il a embarqué à Malmö le temps de quelques régates en tant que stratégiste. Ce brillant régatier (double champion du monde de Finn, vice champion du monde de Soling) qui n’a pas encore dit adieu à l’olympisme a su attendre son heure. Après une première expérience avec le Défi lors de la dernière campagne à Auckland, le voilà épanoui au sein d’un groupe qui, en l’espace de quelques mois, l’a parfaitement intégré.

Pourquoi et comment es-tu passé de ton engagement avec le Défi à l’équipe de Luna Rossa ?
« Francesco (De Angelis) m’a contacté au mois de mai et m’a demandé si j’étais pris. Ils cherchaient quelqu’un pour barrer le deuxième bateau. De mon côté, j’avais deux ou trois équipes sur le feu et principalement deux pistes possibles. Celle du Défi français (devenu China Team), une équipe avec une ambition moindre dans laquelle j’aurais pu avoir un rôle de leader. Ca me plaisait mais il fallait qu’un certain nombre de conditions soient remplies parce que j’avais arrêté mon travail de prof de sport pour faire la Coupe. Il fallait qu’il y ait une visibilité sur le projet. Depuis 2004, on a avait fait du bon boulot, mais pour moi certaines conditions n’y étaient pas. L’autre piste était de m’intégrer dans une équipe forte ayant des objectifs sportifs, dans le but d’apprendre, sans être forcément sur le devant de la scène. C’est ce que j’ai choisi. »

Francesco de Angelis…première rencontre
« Jusque là, je n’avais jamais parlé à Francesco. Au printemps, il m’a envoyé un message en me disant : « tu fais quoi ? Si tu veux, tu viens à Valence et on discute un peu ». Je suis arrivé un jour au mois de mai à 10h00 du matin. A 11 heures, j’étais déjà sur le Class America pour faire des speed tests. Il m’a dit : « bon maintenant, si tu veux, tu vas sur l’autre bateau. Je ne veux pas te forcer mais si ça te dit, on fait une paire de régates. J’ai fais les 2 régates à la barre… et je les ai gagnées ! Ensuite, on a essayé de voir ce qu’ils voulaient de moi. Ils cherchaient quelqu’un pour barrer le deuxième bateau et capable éventuellement de remplacer James Spithill. J’allais avoir un enfant pendant les Actes de Valencia et ils m’ont tout de suite mis à l’aise en me disant de prendre mon temps. Avec eux, j’ai passé 10 jours en mai, 10 jours en juin et 15 en juillet. »

James Spithill… une vieille connaissance
« James Spithill, par contre, je le connais depuis les Jeux Olympiques de Sydney. A l’époque, il faisait du Soling comme moi. On s’entraînait ensemble sur l’eau de 6h00 à 8h00 du matin avant qu’il ne parte à l’école ! Ensuite, on s’est retrouvé sur le circuit de match race puis à Auckland. »

Tu n’es pas censé barrer en compétition, n’est-ce pas frustrant ?
« Je sais pourquoi je suis là. Déjà, je barre beaucoup lors des entraînements à deux bateaux – on s’est fait une semaine de régate très intense avant de venir ici à Malmö - et je fais vraiment partie de la cellule de décision. En attendant, j’apprends beaucoup de choses, je développe un savoir-faire en dehors de la navigation. On a de la chance d’avoir recruté Tom Schnackenberg. Je suis souvent avec lui sur le chase boat et tout ce que je peux dire, c’est que je ne perds pas mon temps ! C’est quelqu’un qui a des idées, qui est ouvert et qui a une vision globale de tout. Car ce qui est important dans la Coupe, c’est de comprendre les systèmes : il faut être capable de faire le va et vient permanent entre une vision globale de la marche du bateau et des postes très précis, très spécifiques. »

Pendant les Actes, quel est ton rôle et comment se déroule ta journée quand tu ne navigues pas ?
« On commence par une séance de sport de 7h15 à 8h15, puis petit dej’. Ensuite, nous avons une réunion avec l’équipage pour fixer les objectifs de la journée. Après, c’est le briefing météo : nous analysons les conditions de navigation et nous faisons des prospectives sur la stratégie du jour. De mon côté, je suis davantage en charge de la partie tactique, avec James et Charlie McKee. Je présente les adversaires en fonction des observations et des conclusions que je réalise la veille au soir, avec le virtuel. On part sur l’eau à 10h00. Entre les manches, je monte à bord du bateau et on rafraîchit nos analyses quant à la stratégie. Charlie McKee a besoin de beaucoup parler de ce qu’il a fait. Après le retour au port, il y a un débriefing cellule arrière avec l’aide des images virtuelles. On refait le déroulement de la régate et on revient sur les deux à trois décisions clés qui ont fait le match. On revoit comment ces décisions ont été prises, par qui et pourquoi. Le but n’est pas de critiquer mais de sortir des règles d’après certaines situations. Je suis un peu le reporter de tout ça, j’essaie de mettre de l’ordre. »

A Malmö, tu as également participé à quelques régates – un match race et plusieurs courses en flotte …
« Là, je suis sur le même poste que Francesco de Angelis : bastaque et stratégie. J’interviens surtout sur la conduite du Class America. J’alimente le barreur en infos sur la vitesse, les performances du bateau. Bref, je suis dans la cellule de décision. »

Tu es un nouveau venu dans cette équipe, est-ce que tu te sens écouté à bord ?
« Oui. Il y a vraiment une complicité forte dans cette cellule arrière. Avec Francesco Bruni, on navigue l’un contre l’autre en Star, donc on a les mêmes images, le même feeling. Quant à Charlie McKee, il n’arrête pas de demander des infos, il ne prend jamais de décision sans consulter l’avis des autres, c’est étonnant le dialogue qu’il peut y avoir à bord. »

Donc, l’ambiance est plutôt bonne …
« L’atmosphère est super. Il y a de la confiance. C’est une équipe internationale avec une connotation latine. Ça tombe bien, je suis d’origine italienne par mon père. Je comprends la langue mais je ne la parle pas encore, je vais prendre des cours. Je me suis tout de suite senti intégré en tant que navigant, même si je suis le seul français du groupe avec Antoine Bonnaveau. »

Comment vous situez-vous en vitesse et comment vois-tu la concurrence ?
« On manque encore un peu de « carbu » au près, c’est pourquoi j’ai essayé de faire en sorte qu’on développe des stratégies agressives : partir devant et s’ouvrir des portes. Par contre, nous n’avons pas de problème au portant. Alinghi est plus haut et plus vite que tout le monde. C’est une machine bien rodée et en plus, ils sont les plus rapides de la flotte. Nous, nous avons une vitesse standard qui nous permet de jouer entre autres avec les Néo-zélandais. Mais K-Challenge, les Suédois ou +39 ne sont pas très loin derrière. Quant à Oracle, je ne sais pas comment le qualifier. Ils ont un potentiel énorme mais une gestion humaine périlleuse. »

Quels sont vos points forts ?
« Le travail de l’équipage est excellent. Cet équipage est soudé, réactif et c’est parfois grâce à eux qu’on rattrape des situations délicates. La cohésion est réelle dans l’équipe. Il y a un noyau très uni autour de James Spithill constitué par les anciens de l’équipe australienne en 2000 puis de OneWorld. Il y a aussi le noyau italien autour de Francesco de Angelis, Francesco Bruni et les autres. »

Où en es-tu dans tes projets personnels ?
« L’organisation de l’équipe me permet de faire un peu de Star. Cet hiver, on part en famille à Miami pour un mois et demi de compétition. Je vais essayer de mener de front les Jeux et la Coupe. Car je ne suis pas encore guéri des J.O ! On vient de faire 5e au mondial en ne navigant que 15 jours… c’est plutôt rassurant. On a un bon potentiel et un bon feeling avec le bateau. En attendant, je pars la semaine prochaine à Calpe pour faire les Championnats du Monde de match-racing avec mon équipage français. »

Propos recueillis par Camille El Beze


Extrait du palmarès de Philippe Presti :
America's Cup : barreur LE DEFI 2003
Match racing : plusieurs victoires en grade 1 et 2
Olympisme/Star
3ème championnat d'Europe de Printemps 2003
4ème championnat du Monde 2003
3ème classement ISAF 2003
Soling
Vice champion du monde Soling match Racing 2000
10e J.O de Sydney
Médaille de bronze championnat d'Europe de Soling match racing 1999
Finn
Double champion du Monde de Finn 1993 et 1996
15e J.O d'Atlanta